Oracle est au moins aussi connu pour sa stratégie commerciale agressive pour les licences logicielles que pour sa technologie de base de données. Et un récent différend avec le géant de l’agroalimentaire Mars Inc. autour d’un audit montre clairement que cette réputation n’est pas infondée.
En septembre 2014, Oracle a initié ce qu’il appelle un « examen de licence » du groupe agroalimentaire américain Mars Inc. Prévue dans certains contrats, la procédure est relativement fréquente, mais cette fois-ci, l’audit s’est particulièrement mal passé. Pour satisfaire les demandes de l’éditeur, Marc Inc. a consacré plusieurs mois pour constituer à ses frais un rapport de 233 089 pages. Mais, à l’automne dernier, Mars Inc. a finalement déposé plainte auprès de la Cour supérieure de San Francisco pour demander au tribunal d’ordonner à Oracle de revoir ses exigences d’audit à la baisse. Le groupe agroalimentaire a abandonné sa plainte en décembre, ce qui signifie qu’il a trouvé un arrangement avec l’éditeur en dehors du tribunal. Oracle n’a pas répondu à une demande de commentaire. Et Mars a refusé de commenter.
Il n’empêche : si l’affaire est close pour les deux parties, la mine de documents produits se retrouve désormais dans le domaine public, ce qui ne serait pas arrivé si Mars n’avait pas déposé plainte contre Oracle. Or ces documents éclairent considérablement sur les stratégies d’octroi de licences pratiquées par l’éditeur de Redwood Shores. « Oracle réclame des informations qu’elle n’est pas supposée demander contractuellement sur les serveurs sur lesquels ne tournent pas de logiciel Oracle et sur le personnel de Mars qui n’utilise pas les logiciels d’Oracle », indique ainsi la plainte de Mars. « L’éditeur met en avant de faux prétextes et fait valoir de fausses prémisses prétendant que la non-utilisation de logiciels est néanmoins assimilable à un usage de licence redevable par Mars Inc. à Oracle ». En particulier, « Oracle a affirmé que, étant donné que Mars Inc. utilisait la version 5.1 de VMware ou au-delà, même les serveurs et les clusters ne fonctionnant pas sous Oracle doivent disposer d’une licence », a ainsi expliqué dans une déclaration Éloise Backer, une manager du groupe agroalimentaire. Oracle a également menacé de résilier son contrat avec Mars en octobre si ses exigences n’étaient pas satisfaites.
Un passage en force bloqué après une action en justice
« C’est peut-être la première fois qu’une affaire juridique met spécifiquement en cause la politique de licence pratiquée par Oracle autour de VMware », a écrit dimanche dans un blog, Dave Welch, directeur technique et évangéliste en chef du consultant House of Brick Technologies. Son texte est accompagné de nombreux liens vers les documents judiciaires. « Ça ne me surprend pas, mais je regrette vraiment qu’Oracle ait choisi d’éviter le procès », a écrit Dave Welch. « Selon moi, Oracle a essayé de voir s’il pouvait obtenir plus d’argent de ses clients utilisant les solutions VMware. Il semble aussi que l’éditeur a voulu tenter le coup sans obtenir l’approbation d’une cour de justice ». Si la demande d’Oracle concernant les droits de licences de VMware était contractuellement fondée, il y a longtemps que l’éditeur serait passé par la case justice pour envoyer « un message clair à ses clients et dire qu’il était prêt à défendre ses droits de propriété intellectuelle, au lieu de faire ça discrètement et de prétendre que chaque client est différent », a-t-il ajouté.
« L’expérience de Mars n’est pas exceptionnelle », a déclaré pour sa part Robert Scott, gérant associé chez Scott & Scott LLP. « Ces lettres sont celles que tout client audité par Oracle est susceptible de recevoir », a-t-il ajouté. Par contre, la réaction de Mars est moins courante, et « ce serait bien, si un plus grand nombre de clients d’Oracle faisaient valoir leurs droits », a-t-il regretté. « Rien dans le contrat de licence de l’éditeur n’oblige un client à consacrer autant de temps et d’efforts pour satisfaire ses exigences », a-t-il ajouté. Normalement, Oracle est même censé prendre en charge le coût des audits. Robert Scott ne manque pas de conseils à prodiguer aux clients d’Oracle. Selon lui, « ils doivent porter un grande attention aux conditions des contrats qu’ils négocient », a-t-il déclaré. « Parfois, avec Oracle, compte tenu de toutes les complexités et ambiguïtés, il est très difficile d’apprécier pleinement toutes les implications. C’est donc un point de départ important ».
Attention aux clauses sibyllines des contrats
Un autre point particulièrement important – et très pertinent dans le cas de Mars – c’est « d’éviter, par exemple, les clauses qui obligent le client à comptabiliser les processeurs ou les cœurs de processeurs sur une base de calcul floue », a déclaré M. Scott. « La virtualisation est très propice à ce genre d’abus », a-t-il encore affirmé. « J’ai aidé plusieurs clients à éviter ce problème en leur conseillant de négocier des accords illimités avec Oracle ». Oracle aurait également proposé un accord dit de licence d’utilisation perpétuelle (Perpetual User License Agreement – PULA) impliquant une tarification forfaitaire pour une utilisation illimitée de sa base de données à perpétuité. Dans le cas d’accords déjà établis, Robert Scott conseille aux clients d’Oracle d’essayer de négocier chaque point qui ne leur convient pas. En fait, « pour chaque nouvelle commande, le client doit exiger des concessions supplémentaires de la part d’Oracle », a déclaré M. Scott. Mais, ce dernier aimerait surtout que les entreprises manifestent davantage leur désaccord. « Si Oracle emploie des méthodes qui semblent déraisonnables, il existe une solution pour s’y opposer, mais peu de gens y ont recours parce qu’ils ont peur d’Oracle », a-t-il déclaré. « Mars Inc. a fait ce qu’il fallait et je félicite l’entreprise d’avoir franchi le pas ».
Article de Katherine Noyes / IDG News Service (adapté par Jean Elyan)